CTEC COMMUNAUTÉ DE TRAVAIL DES EGLISES CHRÉTIENNES EN SUISSE
RECONNAISSANCE MUTUELLE DU BAPTÊME
(DÉCLARATION DE RIVA SAN VITALE)
Avant-propos
« Nous exprimons notre joie pour chaque être humain qui reçoit le baptême ».
C'est dans cet esprit de joie de célébrer ce sacrement commun du baptême qui nous unit en une communauté au sein de l'Eglise Une de Dieu, au-delà de nos différentes conceptions de l'Eglise et de nos différentes pratiques baptismales, que la reconnaissance mutuelle du baptême a vu le jour:
En 2001, les Eglises membres de la CTEC se sont engagées par la signature de la
« Charta Oecumenica » à oeuvrer en faveur de « l'unité visible de l'Eglise de Jésus Christ dans l'unique foi, qui trouve son expression dans un baptême réciproquement reconnu et dans la communion eucharistique, tout comme dans le témoignage et le service. » Par la présente déclaration de reconnaissance mutuelle du baptême, les Eglises membres de la CTEC montrent qu'elles prennent cet engagement au sérieux. Conformément à la compréhension fondamentale commune du baptême décrite dans la déclaration, elles déclarent reconnaître le baptême pratiqué dans les Eglises respectives. Les personnes ayant été baptisées dans une Eglise ne sont pas rebaptisées si elles changent d'Eglise.
En Suisse, la reconnaissance du baptême entre les trois Eglises nationales existe déjà depuis 1973. L'élément nouveau est qu'avec la CTEC comme cadre pour la reconnaissance mutuelle du baptême, le nombre d'Eglises participantes s'est agrandi. Par la nouvelle déclaration, la reconnaissance mutuelle en Suisse est élargie aux luthériens et aux anglicans. Les Eglises orthodoxes ont participé à l'élaboration de la déclaration, mais pour des raisons de droit ecclésiastique, il leur est pour le moment encore impossible de la signer. Cependant, dans l'annexe jointe à la déclaration, elles assurent qu'elles soutiennent les conséquences pratiques de la reconnaissance du baptême.
La déclaration a été solennellement signée lors de vêpres célébrées le lundi de Pâques 21 avril 2014 à Riva San Vitale. Pour les Eglises en Suisse, cette signature marque une importante avancée dans œcuménismes ; elle est un témoignage fort en faveur der l'unité de l'Eglise, et un signal clair montrant au monde que nous voulons proclamer l'Evangile ensemble en paroles et en actes dans la succession commune du Christ.
Pasteur Rita Famos, présidente de la CTEC
1. Introduction historique
En 1971, les commissions oecuméniques de dialogue en Suisse – la commission Protestante/Catholiques-romains et la commission Catholiques-chrétiens/Catholiques-romains – ont élaboré un document d'étude intitulé « Le problème du baptême aujourd'hui ». Il a servi à accompagner un texte plus court dans lequel les trois Eglises nationales (y compris l'Eglise évangélique-méthodiste) ont déclaré en 1973 leur reconnaissance mutuelle du baptême, ce qui est maintenant pour elles une pratique normale.
Depuis, la situation ecclésiale en Suisse s'est modifiée et diversifiée. En raison des mouvements d'immigration, diverses communautés venant des Eglises orientales font aujourd'hui partie du paysage oecuménique, et des traditions chrétiennes issues d'autres Eglises de la Réforme ont accru leur présence et leur participation au travail oecuménique en Suisse. Celui-ci trouve son origine dans la Communauté de travail des Eglises chrétiennes en Suisse (CTEC) qui compte actuellement dix Eglises.
En 2008, la CTEC a pris l'initiative d'engager un dialogue par étapes destiné à vérifier si, à la lumière de leur propre perception du baptême et de leurs pratiques respectives, ainsi que de ce que l'oecuménisme avait pu leur apporter, les Eglises membres étaient à même de reconnaître le baptême des autres Eglises.
Le Comité de la CTEC a nommé une commission composée de membres des Eglises qui, en 1971, avaient signé la reconnaissance mutuelle du baptême. La commission a élaboré le texte ci-dessous au cours de plusieurs séances et en consultation avec des représentants d'autres traditions ecclésiales représentées dans la CTEC. Finalement, il s'est avéré que, pour différentes raisons, les Eglises membres ne pouvaient pas toutes adhérer à la « Déclaration sur la reconnaissance mutuelle du baptême ». Les deux derniers points de ce document fournissent à ce sujet des indications plus précises.
Les Eglises suivantes, membres de la CTEC ont approuvé la « Déclaration sur la reconnaissance mutuelle du baptême » : Fédération des Eglises protestantes de Suisse, Eglise catholique romaine de Suisse, Eglise catholique chrétienne de Suisse, Eglise évangélique méthodiste en Suisse, Fédération d'Eglises Evangéliques Luthériennes dans la Suisse et la Principauté de Liechtenstein, The Church of England Archdeaconry of Switzerland. Ces Eglises ont officiellement confirmé leur accord le 21 avril 2014 au cours de vêpres communes à Riva San Vitale.
2. Déclaration sur la reconnaissance mutuelle du baptême («Déclaration de Riva San Vitale»)
Les Eglises réunies dans la Communauté de travail des Eglises chrétiennes en Suisse (CTEC) ont signé le 23 janvier 2005 la « Charta Oecumenica » européenne de 2001. Elles y déclarent être « appelées ensemble à l'unité dans la foi » et, même si « des différences essentielles dans la foi empêchent encore l'unité visible » elles s'engagent :13
« - à suivre l'exhortation apostolique de la lettre aux Éphésiens et à faire des efforts avec persévérance pour une compréhension commune de la Bonne Nouvelle du salut en Christ dans l'Évangile ;
- à travailler en outre, dans la force de l'Esprit Saint, à l'unité visible de l'Eglise de Jésus Christ dans l'unique foi, qui trouve son expression dans un baptême réciproquement reconnu et dans la communion eucharistique, tout comme dans le témoignage et le service. »
Conformément aux engagements pris par les Eglises dans la « Charta Oecumenica », les Eglises membres de la CTEC indiquées ci-dessus déclarent expressément la reconnaissance mutuelle du baptême par le texte suivant :
« Par le baptême, les êtres humains sont à ce point unis à Jésus-Christ, le fils de Dieu et messager de l'Amour de Dieu, qu”˜ils vivent une réalité nouvelle. En cette nouvelle naissance, l'éloignement de Dieu vécu par les pécheurs est supprimé. Devenus fils et filles de Dieu, les baptisés sont appelés à témoigner et à transmettre à tous sans exception l'expérience de la réconciliation dont ils ont fait l'objet (cf. 2 Co 5, 17-19). Sur la base de la participation au mystère de la mort et de la résurrection de Jésus, ils sont incorporés à la communauté de l'Eglise, Corps du Christ, où sont réunis tous les baptisés de tous les temps et de tous les lieux.
Selon le commandement de Jésus, le baptême est célébré au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit (Mt 28, 19-20), avec l'accomplissement d'un signe, à savoir l'immersion ou l'aspersion. Ce geste est unique dans la vie de chaque être humain et non renouvelable.
Cette compréhension fondamentale du baptême nous est commune, indépendamment de certaines différences notables dans la manière de pratiquer le baptême. Celles-ci résultent du fait que, dans certaines Eglises, le baptême liant la parole et le rite de l'eau constitue la totalité de l'initiation par laquelle on entre dans la communauté de l'Eglise, alors que dans d'autres il ne constitue qu”˜une partie de l'initiation. Par ailleurs, la nécessité de la confession de foi personnelle prononcée par le candidat au baptême en lien immédiat avec le rite du baptême, est perçue différemment selon les Eglises. Certaines ne baptisent que les personnes confessant elles-mêmes leur foi; d'autres baptisent aussi les petits enfants, les parents et les parrains et marraines prenant l'engagement baptismal à la place de l'enfant. Dans tous les cas, la confession de foi personnelle est liée à la confession de foi de l'Eglise universelle comprise comme une réponse au salut apporté par la parole de Dieu.
La reconnaissance mutuelle du baptême implique aussi la reconnaissance de notre lien d'unité qui a son fondement en Jésus-Christ et dans l'Esprit-Saint (Eph 4, 4-6). Le baptême nous relie les uns aux autres, malgré des différences dans la compréhension de l'Eglise ou des questions touchant à la foi, en une communauté - bien qu”˜imparfaite - dans l'Eglise unique de Dieu. En ce sens, nous exprimons notre joie pour chaque être humain qui reçoit le baptême.
Cette déclaration a pour conséquence pratique que les êtres humains baptisés dans une Eglise ne sont pas rebaptisés lorsqu'ils changent d'Eglise.
En lien avec l'ancienne déclaration mondiale de Lima de 1982, les Eglises membres de la CTEC confirment avec ce pas que « notre unique baptême en Christ constitue un appel aux Eglises pour qu'elles surmontent leurs divisions et manifestent visiblement leur communion. »14
Les Eglises signataires membres de la CTEC sont invitées à indiquer dans le certificat de baptême qu'elles ont approuvé la reconnaissance mutuelle du baptême de Riva san Vitale de 2014.
3. Commentaire
Dans le mouvement oecuménique de ces dernières décennies, on a de plus en plus considéré le baptême comme un élément exprimant fondamentalement l'unité visible que recherchent les Eglises. Cela tient d'abord au fait qu'il est plus facile au sein des diverses traditions ecclésiales de formuler une compréhension commune à propos du baptême que par rapport à l'Eglise, au ministère ou encore à la Sainte Cène ; sur ces points, il reste encore à éclaircir des différences partiellement dues à l'histoire en se demandant si elles continuent de peser dans la division des Eglises. Ce qui est beaucoup moins le cas en ce qui concerne la conception et la pratique du baptême. Malgré tout, les points qui suivent peuvent toujours soulever des interrogations et des différences d'opinion. Le plus souvent, ces questions se posent à l'occasion du passage d'une Eglise à une autre d'une personne déjà baptisée (3.1-2) ou lors de la naissance d'un enfant (3.3).
3.1 Dans le contexte oecuménique actuel de notre pays, il faut savoir que, dans certaines traditions ecclésiales, le baptême est administré dans le cadre d'un culte et qu'il comporte, en plus du rite de l'eau et des paroles qui l'accompagnent (formule baptismale et souvent aussi une confession de foi sous forme de questions et réponses ou d'affirmation etc.), une imposition des mains et une onction avec invocation de l'Esprit saint, et qu'il se conclut par la réception de la Cène. Cette forme d'initiation, qui correspond à une pratique largement répandue dans l'Eglise ancienne et est parfois qualifiée de baptême au sens large, se rencontre dans la tradition des Eglises orientales (également pour les petits enfants) et (plus récemment, pour les adultes) dans l'Eglise catholique-romaine. Des Eglises protestantes connaissent également cette pratique dans laquelle des adultes reçoivent la Cène au cours du culte où ils ont été baptisés, ce qui complète leur incorporation à l'Eglise.
Lorsque les sacrements qu'on appelle « d'initiation » - à savoir le baptême (au sens traditionnel et restreint du terme), la confirmation et la première communion, c”˜est-à -dire les éléments de l'incorporation à l'Eglise - ne sont pas administrés au cours d'un même culte, on les considère comme les parties d'un même ensemble qui se succèdent dans le processus d'incorporation. C'est pourquoi, lors du passage d'une Eglise à une autre, il est possible que, dans certaines circonstances, ce ne soit pas le baptême au sens décrit ci-dessus qui soit renouvelé, mais que d'autres éléments appartenant au contexte de l'initiation cultuelle au sens large font partie des actes de réception dans cette Eglise.
La question de savoir comment l'enseignement dans chacune des Eglises se relie à la pratique cultuelle du baptême, ou plus exactement à l'initiation globale, n'est pas abordée ici. La seule condition posée est que le baptême précède la participation à la Sainte Cène.
3.2 Au sein de la chrétienté issue de la Réforme, une question qui a été et continue d'être soulevée est de savoir s'il est conforme à la conception biblique du baptême de baptiser des petits enfants qui ne peuvent manifester leur attachement à l'Évangile par une démarche personnelle de décision et de foi. Ce qui ne veut pas forcément dire que l'on conteste par-là le caractère du baptême comme ca15
d'eau sacramentelle de Dieu, mais plutôt que l'on souligne le caractère contraignant de l'appartenance au peuple de Dieu face à une pratique du baptême dans les grandes Eglises qui n'est parfois pas suivie d'effet. Sous ce rapport, il y a dans cette question un élément de rapprochement, dans la mesure où l'aspect de la catéchèse accompagnant le baptême, qu'elle soit assurée par la communauté ou, dans le cas d'un enfant, par les parents ou les parrains et marraines, est considéré comme de plus en plus prioritaire.
Pour accueillir une personne déjà baptisée (généralement en tant qu'enfant) dans une autre Eglise, il vaut mieux opter pour une autre forme que le baptême, surtout lorsque cette démarche correspond à une découverte de la foi.
3.3 Les Eglises de Suisse, dans la mesure où elles ont un caractère d'Eglises ouvertes à tous (Volkskirche) et qu'elles souhaitent le conserver, reconnaissent qu'il n'est pas possible de séparer baptême de la foi qui se manifeste dans une pratique appropriée dans la vie de l'individu. Lorsqu'il s'agit du baptême d'une personne qui prend personnellement une décision définitive, cette question n'est en principe pas contestée et ne pose pas de problème. Il en va autrement dans le cas de petits enfants, surtout lorsqu'il s'agit de nouveau-nés : Considérée du point de vue de la théologie de la création, la naissance d'un enfant est un événement qui suscite le désir d'une bénédiction divine, ce qui est bien compréhensible; il appartient aux Eglises de voir comment accueillir et accompagner les attentes à cet égard des parents et du reste de la famille sans que se dilue pour autant l'aspect confessionnel implicite du baptême et ses conséquences pratiques pour la vie. Il est possible de réapprendre auprès du christianisme ancien comment baptême et catéchuménat se complètent réciproquement et de mettre à profit ces enseignements dans la situation actuelle de notre société.
3.4 L'adoption de la « Déclaration sur la reconnaissance mutuelle du baptême » ne va pas non plus éliminer du jour au lendemain les différences que nous avons signalées en ce qui concerne la conception et la pratique du baptême. Mais ces différences cesseront d'être un élément étranger, voire diviseur, dès lors que les Eglises considéreront de plus en plus l'initiation et l'incorporation comme quelque chose qui représente le cheminement de toute une vie et qui, par conséquent, nécessite un approfondissement de la foi en fonction de l'histoire et de l'âge de la personne ainsi qu'un épanouissement dans l'amour selon les enseignements de Jésus.
Dans cette perspective, les Eglises peuvent sans doute découvrir chez les autres de nouveaux aspects susceptibles d'enrichir leur compréhension et leur pratique baptismales et apprendre ainsi les unes des autres. Ce qui ouvre des chemins convergents en vue d'une réforme de la pratique du baptême au sens le plus large.